Les conventions réglementées sont au cœur des relations financières entre une entreprise et ses dirigeants. Ces accords, souvent méconnus du grand public, jouent un rôle crucial dans la gouvernance des sociétés.
Définition et cadre légal des conventions réglementées
Les conventions réglementées sont des accords conclus entre une société et ses dirigeants, administrateurs ou actionnaires significatifs. Elles sont encadrées par le Code de commerce qui impose des procédures spécifiques pour leur approbation et leur contrôle.
Ces conventions sont soumises à une réglementation stricte pour plusieurs raisons :
- Prévenir les conflits d’intérêts
- Assurer la transparence des opérations
- Protéger les intérêts des actionnaires minoritaires
- Garantir l’équité des transactions
Le cadre légal varie selon la forme juridique de la société, mais le principe reste le même : tout accord non courant ou conclu dans des conditions anormales doit être soumis à une procédure d’autorisation et de contrôle.
Types de conventions réglementées
Il existe plusieurs catégories de conventions réglementées, chacune répondant à des critères spécifiques :
1. Conventions directes : Ce sont les accords conclus directement entre la société et l’un de ses dirigeants ou actionnaires importants. Par exemple, un contrat de prestation de services entre la société et une entreprise détenue par l’un de ses administrateurs.
2. Conventions indirectes : Elles impliquent une tierce partie, mais bénéficient indirectement à un dirigeant ou actionnaire. Un exemple serait un prêt accordé par la société à une entreprise dans laquelle un administrateur détient des intérêts.
3. Conventions courantes : Bien que conclues avec des personnes concernées, ces conventions portent sur des opérations habituelles et sont réalisées à des conditions normales. Elles ne sont pas soumises à la procédure d’autorisation mais doivent être communiquées au conseil d’administration.
Procédure d’autorisation et de contrôle
La procédure d’autorisation et de contrôle des conventions réglementées est rigoureuse et implique plusieurs étapes :
- Autorisation préalable du conseil d’administration ou de surveillance
- Information des commissaires aux comptes
- Rapport spécial des commissaires aux comptes
- Approbation par l’assemblée générale des actionnaires
- Publication des conventions sur le site internet de la société (pour les sociétés cotées)
Cette procédure vise à garantir que les conventions sont conclues dans l’intérêt de la société et ne lèsent pas les actionnaires minoritaires. Le non-respect de ces étapes peut entraîner la nullité de la convention et engager la responsabilité des personnes impliquées.
Enjeux et risques des conventions réglementées
Les conventions réglementées soulèvent plusieurs enjeux importants pour la gouvernance des entreprises :
Transparence financière : Ces conventions permettent de mettre en lumière des transactions qui pourraient autrement rester dans l’ombre. Elles contribuent ainsi à une meilleure compréhension de la situation financière de l’entreprise.
Protection des actionnaires : En soumettant ces accords à l’approbation de l’assemblée générale, on donne aux actionnaires un droit de regard sur des opérations potentiellement sensibles.
Prévention des abus : Le cadre réglementaire strict vise à empêcher les dirigeants d’utiliser leur position pour obtenir des avantages indus au détriment de la société.
Toutefois, ces conventions présentent aussi des risques :
- Complexité administrative : La procédure peut être lourde et chronophage pour les entreprises.
- Risque réputationnel : Une convention mal perçue peut nuire à l’image de l’entreprise et de ses dirigeants.
- Contentieux : Des actionnaires mécontents peuvent contester ces conventions en justice.
Évolutions récentes et perspectives
La réglementation des conventions entre parties liées a connu des évolutions significatives ces dernières années :
Renforcement de la transparence : La loi PACTE de 2019 a introduit l’obligation pour les sociétés cotées de publier les conventions réglementées sur leur site internet, renforçant ainsi la transparence vis-à-vis des investisseurs.
Élargissement du champ d’application : La notion de « personne intéressée » a été étendue pour inclure non seulement les dirigeants directs mais aussi certains actionnaires influents.
Contrôle accru : Les autorités de régulation, comme l’AMF pour les sociétés cotées, portent une attention croissante à ces conventions dans le cadre de leur mission de surveillance des marchés.
Les perspectives d’évolution du cadre réglementaire pointent vers :
- Une harmonisation européenne des règles sur les conventions réglementées
- Un renforcement du rôle des comités d’audit dans l’examen de ces conventions
- Une intégration plus poussée des considérations ESG (Environnement, Social, Gouvernance) dans l’évaluation de ces accords
Impact sur la gouvernance d’entreprise
Les conventions réglementées jouent un rôle central dans la gouvernance d’entreprise. Elles contribuent à :
Améliorer la qualité de la gestion : En obligeant les dirigeants à justifier certaines transactions, on favorise une gestion plus rigoureuse et réfléchie.
Renforcer la confiance des investisseurs : La transparence sur ces opérations rassure les actionnaires et peut attirer de nouveaux investisseurs.
Prévenir les conflits d’intérêts : Le processus d’autorisation et de contrôle permet d’identifier et de gérer les situations potentiellement problématiques.
Pour les entreprises, la gestion efficace des conventions réglementées est devenue un élément clé de la bonne gouvernance. Elle nécessite :
- Une politique claire sur l’identification et le traitement de ces conventions
- Une formation adéquate des administrateurs et des dirigeants
- Un suivi rigoureux des procédures d’autorisation et de contrôle
- Une communication transparente envers les actionnaires et le marché
Cas pratiques et jurisprudence
L’analyse de cas concrets et de la jurisprudence permet de mieux comprendre les enjeux des conventions réglementées :
Affaire Vinci (2014) : La Cour de cassation a confirmé la nullité d’une convention de prestation de services conclue entre Vinci et une société détenue par son PDG, faute d’autorisation préalable du conseil d’administration.
Cas Carrefour (2018) : L’assemblée générale a rejeté une convention prévoyant une indemnité de départ pour l’ancien PDG, illustrant le pouvoir des actionnaires dans ce domaine.
Ces exemples soulignent l’importance du respect scrupuleux des procédures et le rôle crucial des actionnaires dans le contrôle de ces conventions.
Les conventions réglementées constituent un pilier essentiel de la gouvernance moderne des entreprises. Elles offrent un cadre permettant de concilier les intérêts parfois divergents des dirigeants et des actionnaires. Bien que parfois perçues comme une contrainte administrative, ces conventions sont en réalité un outil puissant pour garantir l’intégrité et la transparence des opérations financières au sein des sociétés. Dans un contexte où l’éthique des affaires est de plus en plus scrutée, la maîtrise de ce dispositif est devenue un enjeu stratégique pour toute entreprise soucieuse de sa réputation et de sa pérennité.